Observatoire
Coup d’œil : les développements qui font des vagues
Gouvernance de l’IA
Le Parlement européen a approuvé la première réglementation mondiale en matière d’IA, établissant ainsi une nouvelle norme de gouvernance. Les ministres du G7 se sont engagés à stimuler les écosystèmes locaux d’IA.
De l’autre côté de l’Atlantique, la Maison-Blanche a demandé aux agences fédérales d’adopter des garanties en matière d’IA lorsqu’elles l’utilisent d’une manière susceptible d’avoir un impact sur les droits ou la sécurité des Américains, tandis que l’Administration nationale des télécommunications et de l’information (NTIA) des États-Unis a fait pression en faveur de réformes en matière de responsabilité de l’IA.
L’Arabie saoudite a annoncé un fonds colossal de 40 milliards de dollars pour l’IA en collaboration avec un partenaire de la Silicon Valley, tandis que l’UE s’est engagée à verser 8 milliards d’euros pour stimuler son industrie de l’IA. L’Inde n’est pas en reste, le gouvernement ayant révisé les lignes directrices pour les développeurs d’IA et alloué 1,24 milliard de dollars à l’amélioration de son infrastructure d’IA. L’Italie investit elle aussi un milliard d’euros dans un fonds national pour les projets d’IA.
OpenAI s’est engagée à développer l’IA de manière responsable, mais son service vidéo, Sora, fait l’objet de contrôles de la part de l’autorité italienne de surveillance des données. Le P.-D. G. de Nvidia a affirmé que les hallucinations de l’IA pouvaient être résolues et a prédit que l’intelligence artificielle générale (AGI) serait atteinte d’ici cinq ans.
Technologies
Le gouvernement américain a finalisé les restrictions à l’exportation imposées aux usines chinoises de fabrication de puces, dans le but de freiner les progrès de la Chine en matière de technologie des semi-conducteurs. La Chine a condamné cette mesure, estimant qu’elle renforçait les barrières commerciales et créait de l’incertitude dans l’industrie mondiale des semi-conducteurs.
Le Canada a également pris des mesures pour protéger sa sécurité nationale et sa souveraineté technologique en renforçant les réglementations sur les investissements étrangers dans des secteurs critiques, notamment l’IA, l’informatique quantique, la technologie spatiale et les minéraux.
Le Vietnam a invité de grands acteurs à investir dans l’industrie des semi-conducteurs dans le pays. Le Royaume-Uni s’est engagé à verser 35 millions de livres sterling pour participer au programme de recherche de l’UE sur les semi-conducteurs.
La Commission européenne a dévoilé un cadre stratégique visant à renforcer la compétitivité de l’UE dans le domaine de l’informatique quantique.
Infrastructure
MainOne, un centre de données et un fournisseur de connexions d’Afrique de l’Ouest, a confirmé que la panne d’Internet survenue en mars en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale était due à une rupture de son système de câbles sous-marins. En conséquence, le Nigeria et l’UIT ont uni leurs forces pour améliorer l’infrastructure des câbles sous-marins et étendre l’accès au haut débit dans toute l’Afrique de l’Ouest.
La Chine a lancé le satellite relais Queqiao-2, qui vise à établir une communication entre la Terre et la face cachée de la Lune.
Cybersécurité
Le paysage numérique continue d’être marqué par des cyberattaques sophistiquées, Microsoft ayant révélé l’activité de pirates russes, tandis que la France a été la cible d’attaques sans précédent contre ses services publics. L’histoire géopolitique de la cyberactivité se complique lorsque la Russie accuse les États-Unis d’ingérence dans les élections, accusation que les États-Unis ont rapidement démentie. Des pirates informatiques chinois auraient ciblé plus de 70 organisations mondiales, principalement des entités gouvernementales.
L’UE a renforcé ses défenses numériques en réponse à l’escalade des cybermenaces en adoptant la loi sur la cybersolidarité. La FCC américaine a introduit la marque « US Cyber Trust Mark » pour renforcer la confiance des utilisateurs dans les appareils IoT.
Le « projet Ghostbusters » de Facebook, un projet secret visant à intercepter et à décrypter les communications Snapchat, a été révélé dans des documents judiciaires, suscitant une controverse pour Meta.
Droits de l’Homme
Le rapport 2024 du Conseil de l’Europe sur la liberté de la presse a tiré la sonnette d’alarme sur les menaces croissantes qui pèsent sur elle, notamment les logiciels espions, les poursuites judiciaires abusives et les difficultés rencontrées par les journalistes en exil. Le Parlement européen a adopté un nouveau projet de loi pour protéger les journalistes et la liberté de la presse.
Les États-Unis et l’Union européenne ont publié une plateforme en ligne commune pour protéger les défenseurs des droits de l’Homme, détaillant dix dispositions mondiales pour contrer les cybermenaces et faire respecter les droits de l’Homme. ONU Femmes a plaidé pour la réduction de la fracture numérique entre les sexes par le biais du Pacte mondial pour le numérique (Global Digital Compact – GDC).
Juridique
Le New York Times a rejeté les accusations de « piratage » formulées par OpenAI dans le cadre d’un litige sur les droits d’auteur et a présenté une réponse juridique s’opposant à la tentative d’OpenAI de rejeter certaines parties de l’action en justice.
Le régulateur français de la concurrence a infligé une amende de 250 millions d’euros à Google pour avoir entraîné son robot conversationnel à base d’IA, Bard, sur des contenus d’éditeurs de médias sans les en avertir. Le ministère américain de la Justice a intenté une action en justice contre Apple, alléguant une monopolisation illégale du marché des smartphones.
La Chine a assoupli les règles relatives au transfert international de données afin d’en simplifier l’application pour les entreprises étrangères opérant sur son territoire.
Économie
L’autorité de surveillance australienne a annoncé son intention d’enquêter sur les moteurs de recherche Internet et sur l’utilisation de l’IA générative dans les recherches. En Europe, les grandes entreprises technologiques s’efforcent de se conformer à la loi européenne sur les marchés numériques (DMA). Apple, Alphabet et Meta font actuellement l’objet d’une surveillance de la part des autorités réglementaires en raison de leurs pratiques en matière de marchés numériques. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a ordonné à Amazon de divulguer publiquement ses données publicitaires en vertu de la loi sur les services numériques (DSA).
La Bourse de Londres a introduit des critères pour les ETN cryptographiques, ouvrant ainsi la voie aux échanges de cryptomonnaies. Hong Kong a renforcé la réglementation sur les émetteurs de monnaie stable par le biais d’un nouveau dispositif de type « bac à sable » (sandbox).
Développement
L’Éthiopie a introduit des cartes d’identité numériques pour les réfugiés, améliorant ainsi l’accès aux services. Le Royaume-Uni a dévoilé une stratégie de développement numérique visant à réduire la fracture technologique mondiale.
Un rapport conjoint de l’UIT et de la Banque mondiale souligne la nécessité de mettre en place des politiques visant à réduire l’impact du secteur des TIC sur l’environnement.
Les agences des Nations unies ont mis en garde contre l’augmentation des déchets électroniques dans le monde et la baisse des taux de recyclage.
Socioculturel
ByteDance est acculée par les exigences législatives qui l’obligent à vendre TikTok sous peine d’interdiction aux États-Unis. Des chercheurs ont mis en évidence une menace croissante d’escroqueries fondées sur l’IA et diffusant des fausses nouvelles. Google a resserré les rênes de son robot conversationnel Gemini, en limitant ses capacités de réaction aux élections, et a annoncé la suspension de toutes les publicités politiques en Corée du Sud avant les élections générales d’avril. OpenAI a conclu des accords de contenu avec Le Monde et Prisa. Le Japon envisage des réglementations juridiquement contraignantes pour les systèmes d’IA à grande échelle afin de lutter contre la désinformation.
Les autorités irlandaises vérifient la conformité de Temu à la DSA. L’UE va enquêter sur AliExpress pour des violations potentielles de la DSA. L’UE a présenté des lignes directrices pour lutter contre la désinformation électorale.
LES CONVERSATIONS DE LA VILLE – GENÈVE
Le groupe d’experts gouvernementaux (GGE) sur les systèmes d’armes autonomes létaux (LAWS) s’est réuni du 4 au 8 mars. Les représentants des pays ont donné leur avis sur les caractéristiques et les définitions des « technologies émergentes », sur l’application du droit international humanitaire (DIH) en ce qui concerne le contrôle, le jugement et/ou l’implication de l’homme, et sur divers instruments d’atténuation des risques et de renforcement de la confiance. La deuxième partie de la réunion se tiendra du 26 au 30 août.
Le 5 mars, le Geneva Science and Diplomacy Anticipator (GESDA) et l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) ont lancé l’Open Quantum Institute (OQI) avec le soutien de l’Union de Banques Suisses (UBS). L’OQI est un programme de trois ans qui vise à accélérer les applications de l’informatique quantique dans quelques cas d’utilisation liés aux ODD, tels que la santé, l’énergie, l’action climatique, l’eau propre et la sécurité alimentaire.
Le 9e dialogue de l’OMPI sur la propriété intellectuelle et les technologies de pointe s’est déroulé sur le thème « Former les machines – octets, droits et énigme du droit d’auteur ». Cet événement de deux jours a exploré la relation entre les données de formation et la propriété intellectuelle, en se concentrant sur l’utilisation équitable dans les modèles d’IA génératifs et la rémunération des créateurs.
En bref
Groupe d’étude des Nations unies sur la sécurité des TIC : les efforts s’accélèrent malgré les divisions
Le groupe de travail à composition non limitée (GTCNL) des Nations unies sur la sécurité des technologies de l’information et de la communication et de leur utilisation 2021-2025 a tenu sa 7e session de travail de fond du 4 au 8 mars 2024, discutant des thèmes sous son mandat : menaces, normes, droit international, mesures de confiance, renforcement des capacités et dialogue institutionnel régulier.
À 18 mois de la fin du mandat du groupe en 2025, un caractère d’urgence peut être ressenti dans les discussions, en particulier sur le mécanisme qui succédera au GTCNL.
L’IA est de plus en plus présente dans les discussions sur les menaces, les rançongiciels et le sabotage des élections figurant parmi les trois principales menaces. Le recours aux cyberopérations pour interférer avec les processus démocratiques, le vol de propriété intellectuelle, les atteintes à la protection des données, la violation de la vie privée, le vol de cryptomonnaies et le marché en plein essor de la cyberintrusion ont également été abordés.
Il n’y a toujours pas d’accord sur la nécessité de nouvelles normes. Plusieurs délégations ont mentionné les questions de responsabilité et de vigilance dans la mise en œuvre des normes convenues, tandis que certaines ont répondu aux questions du président sur la mise en œuvre des normes relatives à la protection des infrastructures critiques (PIC) et à la sécurité de la chaîne d’approvisionnement. De nombreuses délégations ont salué le projet de liste de contrôle pour la mise en œuvre des normes établi par le président du groupe de travail.
Il est également difficile de se mettre d’accord sur la question de savoir si et comment le droit international et le droit international humanitaire (DIH) s’appliquent au cyberespace. Les États membres ont maintenu leurs positions antérieures sur l’applicabilité du droit international, la plupart d’entre eux confirmant son applicabilité au cyberespace, y compris la Charte des Nations unies, le droit international des droits de l’Homme et le droit international humanitaire. Toutefois, le Bélarus, le Burkina Faso, la Chine, le Pakistan et la Russie sont favorables à l’élaboration d’un nouveau traité juridiquement contraignant. La Chine, le Pakistan et le Sri Lanka ont appelé à des efforts supplémentaires pour mieux comprendre l’applicabilité du droit international humanitaire au cyberespace et ses limites.
Le lancement officiel du répertoire mondial des points de contact (POC) intergouvernementaux est prévu pour le 9 mai, ce qui a donné lieu à une discussion sur sa concrétisation. Les États ont exprimé leur soutien à des mesures de confiance supplémentaires pour protéger les infrastructures critiques et coordonner la divulgation des failles.
L’accent a été mis sur le développement des efforts de renforcement des capacités et sur la nécessité de disposer de ressources supplémentaires pour les soutenir durablement. Plusieurs délégations ont souligné l’importance des outils d’auto-évaluation pour améliorer la participation des États aux programmes de renforcement des capacités.
Les États conviennent que le mécanisme dans lequel se tiendra le dialogue institutionnel régulier sur la sécurité des TIC au terme du GTCNL 2021-2025 doit être à voie unique et fondé sur le consensus. Mais la question de savoir s’il prendra la forme d’un autre GTCNL ou d’un programme d’action n’est pas encore décidée. La Russie, le Bélarus, le Venezuela et l’Iran sont également en faveur d’un nouveau GTCNL. Par ailleurs, de nombreuses délégations ont exprimé leur soutien au Programme d’action, notamment l’UE, les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, la Lettonie, la Suisse, la Côte d’Ivoire, la Croatie, la Belgique, la Slovaquie, la République tchèque, Israël et le Japon. Plusieurs pays n’ont exprimé leur soutien ni au Programme d’action ni au GTCNL, mais ont noté certains des éléments que le futur mécanisme devrait comporter.
Quelle est la prochaine étape ? Une année bien remplie ! À la mi-avril, la présidence révisera les documents de discussion diffusés avant la 7e session. Le 9 mai, le répertoire des CEP sera lancé, suivi d’une table ronde mondiale sur le renforcement des capacités en matière de sécurité des TIC le 10 mai. Une réunion intersessions spécifique se tiendra du 13 au 17 mai. En ce qui concerne le second semestre de 2024, les 8e et 9e sessions de travail sont prévues du 8 au 12 juillet et du 2 au 6 décembre. Un exercice de simulation pour le répertoire des PoC est également au programme, ainsi que la publication de matériel de renforcement des capacités par le secrétariat du GTCNL, y compris des modules d’apprentissage en ligne.
Une version plus détaillée de cet article a été publiée sur le Digital Watch Observatory. Lisez-en la version complète.
Les rapports et transcriptions de la session, générés par nos outils DiploAI, sont disponibles sur la page dédiée.
Le projet « Zero Draft » du Pacte numérique mondial est ici !
Alors que la mise en place d’un Pacte numérique mondial (PNM) progresse sous les auspices des Nations unies, les cofacilitateurs du processus – les missions permanentes de la Suède et de la Zambie – ont présenté un projet « Zero Draft ». Ce document préliminaire prépare le terrain pour les prochaines négociations intergouvernementales qui se tiendront en amont du Sommet du futur, au cours duquel le PNM sera approuvé.
Le projet, qui s’étend sur 13 pages, définit cinq objectifs principaux et dix principes directeurs visant à nous orienter vers un avenir numérique inclusif, sûr et équitable.
Les objectifs sont les suivants : (1) réduire la fracture numérique et accélérer les progrès dans le cadre des ODD ; (2) élargir les possibilités d’inclusion dans l’économie numérique ; (3) favoriser un espace numérique inclusif, ouvert, sûr et sécurisé ; (4) faire progresser une gouvernance internationale équitable des données ; (5) régir les technologies émergentes, y compris l’IA, au service de l’humanité.
Ces principes, censés guider les efforts de coopération numérique, sont les suivants : inclusifs, axés sur le développement, fondés sur les droits de l’Homme, égaux en termes de genre, durables sur le plan environnemental, accessibles et interopérables, responsables et imputables, favorables à l’innovation, multipartites et tournés vers l’avenir.
Le projet « Zero Draft » décrit ensuite une série d’actions et d’engagements visant à soutenir la réalisation des objectifs. Certains d’entre eux font référence à la création de nouveaux mécanismes et processus, tels qu’un service consultatif des Nations unies sur les droits de l’Homme numériques, un groupe scientifique international sur l’IA pour l’évaluation globale des risques et un dialogue mondial annuel sur la gouvernance de l’IA.
En ce qui concerne les mécanismes de suivi et d’examen du GDC, le projet « Zero Draft » fait référence aux organes et processus existants des Nations unies. Il s’agit notamment de tirer parti des résultats du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) pour soutenir la mise en œuvre du GDC, de reconnaître le rôle de la Commission de la science et de la technologie au service du développement (CSTD), et d’intégrer les engagements du GDC dans les prochains examens du SMSI.
Il reconnaît également l’importance du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme (HCDH) et du Conseil des droits de l’Homme dans la sauvegarde des droits de l’Homme dans la sphère numérique. En outre, il souligne le rôle du Forum politique de haut niveau sur le développement durable ainsi que celui du Conseil économique et social (ECOSOC) dans le suivi des progrès du GDC, tout en appelant toutes les entités des Nations unies à soutenir la concrétisation du GDC.
Le projet « Zero Draft » réaffirme que le Forum sur la gouvernance de l’Internet (FGI) est une plateforme essentielle pour encourager un environnement numérique inclusif. Il recommande la création d’un bureau spécialisé au sein du secrétariat des Nations unies pour coordonner les affaires numériques, et propose la création d’un portail GDC afin de rendre compte des initiatives de réalisation volontaire.
Le secrétaire général est également invité à fournir une carte de la mise en œuvre du pacte et à créer un portail du GDC permettant aux États membres et aux parties prenantes de rendre compte de manière spontanée de sa concrétisation (dans un délai de 12 mois dans les deux cas).
Enfin, le projet prévoit un examen bisannuel de haut niveau du GDC garantissant un engagement complet de toutes les parties prenantes, à partir de la 80e session de l’Assemblée générale (AGNU).
L’AGNU doit convoquer un examen à haut niveau du GDC avec la participation de toutes les parties prenantes tous les deux ans, à partir de sa 80e réunion.
Les délibérations sur le GDC se poursuivront comme suit : le projet « Zero Draft » du GDC sera présenté aux États membres et aux observateurs le 5 avril 2024. Des lectures sont prévues le 2 mai et le 3 mai 2024. Des réunions périodiques pour mettre à jour les parties prenantes intéressées seront également organisées, la première devant avoir lieu le 24 avril 2024.
Visitez notre page dédiée et lisez la version complète du projet Zero Draft.
Moratoire de l’OMC sur le commerce électronique :
le dernier renouvellement ?
La récente prolongation du moratoire sur les droits de douane applicables aux transmissions électroniques jusqu’au 31 mars 2026, décidée lors de la 13e conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à Abou Dhabi, marque un tournant dans les négociations commerciales mondiales. Cette prolongation, tout en offrant un répit temporaire, suggère également la fin potentielle du moratoire.
Introduit à l’origine en 1998, le moratoire a été régulièrement prolongé. Son importance s’est accrue avec la montée en puissance de la consommation numérique, en particulier le passage de la distribution physique à la distribution en ligne de produits tels que la musique et la vidéo. Toutefois, la classification des contenus diffusés en continu en tant que services ou biens dématérialisés a suscité un débat sur leur sensibilité aux droits de douane.
Au cours des récentes négociations, des positions divergentes sont apparues parmi les membres de l’OMC concernant le sort du moratoire. Alors que certains, dont les pays de l’OCDE et la Chine, ont plaidé en faveur de son maintien, d’autres, notamment l’Inde, l’Indonésie et l’Afrique du Sud, ont fait pression pour qu’il soit abrogé.
Historiquement, le moratoire a servi d’outil de négociation dans les négociations complexes de l’OMC. Toutefois, l’absence de consensus sur des questions cruciales telles que les subventions à l’agriculture et à la pêche lors de la conférence d’Abou Dhabi a propulsé le moratoire sous les feux de la rampe.
Les termes utilisés dans les accords de prorogation révèlent l’évolution de la dynamique des négociations. Les renouvellements précédents comportaient des références explicites à la nécessité des décisions d’extension, afin d’éviter que le moratoire ne devienne permanent. Toutefois, l’absence de telles références dans l’accord d’Abou Dhabi indique un compromis entre les partisans et les opposants, laissant présager un non-renouvellement au-delà de 2026.
Si la possibilité d’une reconduction demeure dans l’avenir des conférences ministérielles, le paysage politique entourant les discussions de la 13e conférence ministérielle laisse présager de faibles perspectives.
Cependant, même si le moratoire n’est pas renouvelé après 2026, de nombreux pays se sont déjà engagés à un moratoire sur les droits de douane dans le cadre des accords de libre-échange (ALE) qu’ils ont conclus. Selon l’OCDE, 95 % des chapitres sur le commerce numérique contiennent de telles dispositions. En outre, si un moratoire est convenu dans le cadre de l’initiative conjointe sur le commerce électronique (JI), où un moratoire sur les droits de douane est en cours de discussion, au moins 90 pays s’y conformeraient à l’OMC.
Il convient de mentionner que certains pays affirment que les initiatives conjointes vont à l’encontre de la prise de décision fondée sur le consensus et affaiblissent le multilatéralisme au sein de l’OMC. L’Inde, l’Afrique du Sud et la Namibie, en particulier, ont présenté une communication remettant en cause la légalité des initiatives conjointes et de leurs résultats.
Toutefois, les accords de libre-échange pourraient être considérés comme le moyen de « faire avancer les choses » si l’opposition aux initiatives conjointes parvient à dissuader l’incorporation des leurs résultats dans l’architecture juridique de l’OMC.
La fin du moratoire sur le commerce électronique créerait certainement une liberté d’action pour les pays qui ne se sont pas engagés à ne pas introduire de droits de douane, mais il n’est pas clairement établi que ceux-ci utiliseraient cette liberté d’action et comment ils le feraient.
Ce texte a été adapté à partir des articles suivants : 13e conférence ministérielle de l’OMC : quels sont les enjeux du commerce numérique ? et Moratoire de l’OMC sur le commerce électronique : le dernier épisode ?
La toute première résolution des Nations unies sur l’IA est adoptée à l’unanimité
L’Assemblée générale des Nations unies a adopté sa toute première résolution sur l’IA, marquant ainsi un moment historique dans le dialogue mondial sur la technologie.
Cette résolution, dont les États-Unis sont les principaux instigateurs et qui est coparrainée par 123 pays, dont des rivaux géopolitiques des États-Unis tels que la Russie et la Chine, est le fruit de plusieurs mois d’efforts de collaboration. Elle a été adoptée à l’unanimité sans vote, avec un large consensus parmi les 193 nations membres des Nations unies concernant les principes régissant l’utilisation de la technologie de l’IA.
La vice-présidente des États-Unis, Kamala Harris, a salué la résolution comme une étape historique pour guider le déploiement et le progrès de l’IA en toute sécurité, soulignant son alignement impératif sur l’intérêt public et la protection des individus contre les dommages potentiels. L’ambassadrice Linda Thomas-Greenfield a souligné le consensus atteint, déclarant qu’il reflétait un engagement unifié des États membres de l’ONU en faveur du progrès technologique.
La résolution souligne l’engagement mondial à mettre l’IA au service de la collectivité, tout en garantissant le respect des droits de l’Homme et en veillant à ce qu’elle soit « sûre, sécurisée et digne de confiance ».
Au cœur de la résolution se trouve l’engagement de combler le fossé numérique entre les nations riches et les économies en développement. La résolution s’efforce d’assurer une participation équitable aux discussions sur l’IA et de doter les pays en développement de l’infrastructure technologique et des capacités nécessaires pour tirer parti des avantages de l’IA. Ces avantages concernent divers domaines, depuis la détection des maladies et la prévision des catastrophes jusqu’à l’aide à l’agriculture et au développement de la main-d’œuvre.
Reconnaissant l’évolution rapide de l’IA, la résolution souligne le besoin urgent d’un consensus mondial pour favoriser le développement de systèmes d’IA sûrs, sécurisés et dignes de confiance. Elle reconnaît la nature évolutive de la gouvernance de l’IA et appelle à la poursuite des délibérations sur des approches de gouvernance viables, en soulignant la relation symbiotique entre l’innovation et la réglementation.
Alignée sur les objectifs de développement durable des Nations unies pour 2030, la résolution envisage l’IA comme un catalyseur de progrès dans des domaines critiques tels que l’éradication de la faim et de la pauvreté, l’amélioration de la santé mondiale, la garantie d’une éducation universelle et la promotion de l’égalité des sexes. Elle encourage les États membres de l’ONU à collaborer pour faciliter l’accès à la transformation numérique et aux systèmes d’IA sécurisés, en soulignant l’importance primordiale du respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales dans le développement et le déploiement de l’IA.
La résolution n’est pas contraignante, mais elle constitue un guide essentiel pour des pratiques responsables en matière d’IA. Elle encourage les parties prenantes de divers secteurs, notamment les gouvernements, les communautés technologiques, la société civile, le monde universitaire et les médias, à élaborer et à faire respecter des cadres réglementaires propices au déploiement sûr de l’IA. En outre, elle met en garde contre la conception, le développement, le déploiement et l’utilisation inappropriés ou malveillants de systèmes d’IA sans garanties adéquates ou d’une manière incompatible avec le droit international. La résolution souligne également l’importance du respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales tout au long du cycle de vie des systèmes d’IA.
Lancement
Yes Minister : le nouveau test de Turing pour l’IA de pointe
Dans le paysage en pleine évolution de l’IA, il devient de plus en plus difficile de faire la distinction entre l’IA et les capacités humaines. Autrefois considéré comme l’étalon-or pour évaluer l’intelligence des machines, le test de Turing a besoin d’une mise à jour afin de tenir compte des nuances sophistiquées de la conversation et des processus de pensée humains.
La série britannique Yes Minister entre en scène en tant que candidat non conventionnel mais perspicace pour un nouveau type de test de Turing.
La série raconte les exploits du ministre Jim Hacker, de son secrétaire Bernard et du bureaucrate en chef Sir Humphrey Appleby.
Sir Humphrey évite de donner des réponses directes, utilise un langage bureaucratique ambigu et des tactiques bureaucratiques dilatoires, joue le jeu des reproches et utilise toute une taxonomie du silence bureaucratique. Grâce à sa maîtrise du langage et à sa profonde connaissance de la bureaucratie, les conversations de Sir Humphrey, chargées d’évasion, d’ambiguïté et d’esprit, mettent en évidence les couches sophistiquées de la communication humaine et de la mémoire institutionnelle que les systèmes d’IA tels que ChatGPT ne peuvent pas facilement imiter.
L’IA ne peut pas encore rivaliser avec l’intelligence et la créativité humaines en ce qui concerne la compréhension du contexte, l’intelligence émotionnelle, la subtilité des interactions sociales et la capacité à naviguer dans des mémoires institutionnelles complexes. Les nuances de l’humour, de l’ironie et du non-dit restent des territoires exclusivement humains, ce qui souligne l’importance de faire progresser en permanence les capacités de l’IA tout en reconnaissant la valeur irremplaçable de la perspicacité et de la créativité humaines.
Une version plus détaillée de cet article a été publiée pour la première fois sur Diplo’s « blog roll ». Lisez-en la version complète.
Actualités de la Francophonie
Avant-projet du PNM : ce qu’en pense l’OIF
Le projet Zéro du Pacte numérique mondial a été rendu public après le premier avril. Voici une première analyse de ce texte – disponible en anglais uniquement, bien qu’il s’agisse de la base de négociation entre Etats membres ! – au regard des priorités francophones (énoncées notamment dans l’Exposé de position soumis le 8 mars dernier et dont les grandes lignes avaient été partagées dans le précédent numéro de Digital Watch) :
- Ainsi que nous le préconisions, la structure proposée par les co-faciliteurs en février dernier a été globalement retenue, avec l’ajout d’une section nouvelle sur le renforcement de l’inclusion dans l’économie numérique.
- Des avancées positives sont à souligner quant au renforcement des compétences numériques et au développement des capacités numériques des fonctionnaires et des administrations nationales, dans l’esprit de la contribution de la Francophonie qui appelait à en faire un chapitre à part entière, au lieu de le diluer dans le thème de la connectivité comme le prévoyait le formulaire de consultation en ligne et la note d’orientation du Secrétaire général.
- Sur les points relatifs à la littératie numérique et au renforcement des capacités, il y a de nombreuses convergences avec le texte de la Francophonie, tant sur les cibles prioritaires (femmes, jeunes, groupes vulnérables, agents publics des pays en développement) que sur les parcours de formation. Par exemple, le paragraphe de l’avant-projet « (Develop vocational training for workers in occupations subject to significant automation or augmentation to minimize the adverse effects of digitalization (SDG 8)», rejoint le plaidoyer de la Francophonie pour des formations numériques orientées tout particulièrement vers « le renforcement de l’employabilité des jeunes, des femmes et des personnes en situation de vulnérabilité, en réponse aux évolutions rapides du marché économique et du monde du travail » (phrase tirée de la contribution de la Francophonie au PNM).
- La mobilisation de fonds publics et privés en soutien au renforcement des capacités numériques est mentionnée comme le souhaitait la Francophonie : [« (g) Develop common digital competency frameworks and training standards to facilitate pooling of training resources and the mobilization of public and private funds in support of capacity-building (SDGs 4 & 17) »].
- Cet engagement manque toutefois de précision et d’ambition lorsqu’on le compare aux mécanismes prévus dans la section qui traitent de la connectivité [« (b) Develop innovative financing mechanisms and incentives, in collaboration with the World Bank Group other multilateral developments banks and the private sector, to connect the remaining 2.6 billion people to the Internet and to improve the affordability of connectivity. Our goal is entry-level broadband subscription costs at less than 2 percent of average income of the bottom 40 percent of national populations (SDGs 1 & 9) »]
- Même différence avec les formulations de la section dédiée à la gouvernance des technologies émergentes et de l’IA [« (e) Encourage public and private investment on AI for sustainable development through pooled funding arrangements (SDG 17) » …. « (b) Request the Secretary-General to establish under his authority a Global Fund for AI and Emerging Technologies for Sustainable Development to: (i) catalyze the development of representative and quality standard data sets to inform the public use of AI at scale; (ii) support the development of compute capacity that can apply existing AI models to localized data sets; (iii) build and deliver skills-based training in collaboration with technology companies and technical and academic communities; (iv) promote and align AI-based solutions for the SDGs. 51. This Fund should be put into operation with a target amount of 100 million US dollars at launch in 2025, financed by voluntary contributions from public, private and philanthropic sources. To this end, the Secretary-General should initiate consultations among potential donors and report on progress of the Fund in his annual reporting on implementation progress of the Global Digital Compact. »]. Ces formulations très précises, que l’on retrouve dans d’autres sections, légitiment la demande exprimée par la Francophonie de la création d’un fonds mondial pour lutter contre l’illettrisme numérique.
- Le langage sur la diversité est globalement positif. Des références à la diversité culturelle et linguistique apparaissent dans plusieurs parties de l’avant-projet. En premier lieu dans les principes transversaux qui vont guider la coopération digitale. Ensuite dans les sections sur la littératie numérique [« accès à l’apprentissage numérique prenant en compte les besoins sociaux, culturels et linguistiques spécifiques de chaque société… » « Accroître la disponibilité des plateformes de technologie numérique, des logiciels et des programmes éducatifs dans diverses langues… »] ; sur la protection des droits de l’Homme dont la référence explicite aux droits culturels ; sur l’intégrité de l’information [l’appel à promouvoir la diversité des écosystèmes de l’information à améliorer les conditions de service et les politiques de modération de contenu dans les langues locales] ; et sur la gouvernance de l’IA [« …ensure that AI applications foster diverse cultures and languages and support locally-generated data for the benefit of countries and communities’ development »].
- Des propositions substantielles formulées par la contribution de la Francophonie sur divers sujets, de la connectivité numérique à l’architecture multipartite de la gouvernance de l’Internet, en passant par la protection des données, la promotion et la défense des droits de l’Homme en ligne, le développement des communs numériques, font leur chemin dans l’avant-projet du PNM.
- L’orientation globale de l’avant-projet vers la gouvernance politique du numérique, laisse peu de place à la promotion de « l’acceptance universelle ». Ce sujet trouverait en revanche toute sa place dans les fora sur la gouvernance technique de l’internet.
Perspectives d’action en suivi de ces observations
Le Groupe des Ambassadeurs Francophones (GAF) de New York a rencontré le 3 avril l’Envoyé pour les technologies du Secrétaire général. A la suite de cette réunion, une déclaration du Groupe a été préparée et lue au nom du Groupe pendant la séance plénière de présentation de l’avant-projet du PNM tenue le 5 avril. Cette déclaration conjointe a salué les avancées positives au regard des points d’intérêt de la Francophonie et a souligné les axes d’améliorations (création d’un fonds mondial pour lutter contre l’illettrisme numérique, mise en place de normes pour assurer la diversité culturelle et linguistique des données-sources, promotion des systèmes d’IA qui tiennent compte du multilinguisme dans leurs données d’apprentissage, référence explicite à la Convention UNESCO de 2005 sur la diversité des expressions culturelles etc.)
A travers l’action de pays latino-américains membres du GAF, une collaboration avec le Groupe des amis de l’espagnol se construit pour une mobilisation conjointe autour de la diversité culturelle et linguistique en ligne lors des négociations intergouvernementales à venir.
Par ailleurs, l’OIF est en discussion avec le Bureau de liaison de l’UNESCO à New York pour forger des coalitions aux fins de renforcer le langage sur la diversité et pousser la référence dans le Pacte à la Convention de 2005 sur la promotion et la protection de la diversité des expressions culturelles.
Les premières lectures du texte en format intergouvernemental se dérouleront les 2 et 3 mai prochain, tandis qu’une session d’information des parties prenantes est programmée pour le 24 avril.
Événements à venir :
- Café numérique organisé le 11 avril par la Représentation permanente de l’OIF à New York autour du projet de Code de conduite ONU pour l’intégrité de l’information sur les plateformes numériques
- Atelier de haut niveau en ligne le 29 avril sur les défis de l’acceptance universelle pour les pays francophones, dans le cadre de la célébration par ICANN de la Journée de l’Acceptance universelle.
- Atelier conjoint UNESCO/OIF autour de la diversité culturelle et linguistique dans l’intelligence artificielle le 29 mai, dans le cadre du SMSI